1. La reforme en alsace
Les Romains vinrent dans le pays vers 50 av. J.C.. Ils trouvèrent une colonie germanique installée dans la région de l’actuelle ville de Strasbourg. Argentoratum devint garnison romaine au 2ème siècle de notre ère. Le Christianisme s’implanta en Alsace par l’immigration romaine au 3ème siècle. Strasbourg devint évêché vers 600 et, à partir de l’an 1000, une ville épiscopale. Elle se libéra de la tutelle épiscopale en 1236, pour devenir une ville impériale libre. L’Alsace devint française après la fin de la Guerre de Trente Ans par le traité de Westphalie, en 1648. Pour se faire une idée de l’identité alsacienne, il faut considérer que les Alsaciens ont ensuite changé quatre fois de nationalité entre 1871 et 1945.
Le terrain propice à la Réforme fut préparé par la vitalité du mysticisme (Jean Tauler) et par les humanistes tels que Jacques Wimpheling, Jean Geiler von Kaysersberg et Sébastien Brant. Strasbourg fit partie des villes où les idées de Martin Luther se répandirent très tôt. A partir de 1520, le prédicateur de la cathédrale Matthieu Zell et d’autres recommandèrent la nouvelle doctrine. Mais le réformateur principal de la ville fut Martin Bucer (né en 1491). Il avait été confronté aux écrits de Luther pendant ses études humanistes à Heidelberg. Durant cette période, il accepta son enseignement. Il vint à Strasbourg en 1523 et fut bien reçu par Zell. Il put ensuite agir sous la protection du Conseil de la ville, avec à sa tête le Stettmeister Jean Sturm. La même année, le Conseil décida que désormais “l’Evangile pur” devait être prêché. La première Messe allemande fut célébrée en 1524. La Réforme s’installa définitivement dans la ville avec la suppression de la Messe en 1529. Les réformateurs Capiton et Hédion soutinrent Bucer. Strasbourg devint un centre de la Réforme, à côté de Wittenberg et Zurich, et eut un rayonnement européen. Des réformes profondes transformèrent l’Eglise et l’éducation sous l’impulsion de la confession Tétrapolitaine (1530) : une nouvelle constitution de l’Eglise fut élaborée, le Gymnasium (lycée) et le Stift (foyer) furent fondés. Bucer rendit un grand service comme médiateur entre les branches luthérienne et réformée. En 1536, un accord partiel fut conclu par la Concorde de Wittenberg. Jean Calvin résida à Strasbourg de 1538 à 1546. Un à deux pour cent de la population de la ville se rallia aux anabaptistes, “l’aile gauche” de la Réforme. La ville offrit un refuge aux adeptes de la Réforme persécutés issus de l’Europe du Sud et de l’Ouest. L’introduction de l’Intérim en 1549, après la Guerre de Smalkalde, menaça la Réforme à Strasbourg. Bucer se retira en Angleterre et mourut à Cambridge en 1551.
La population rurale adopta peu à peu les pensées de la Réforme. Sa progression fut toutefois entravée par la Guerre des Paysans, en 1525. La Réforme s’imposa dans les possessions wurtembergeoises, la baronnie de Fleckenstein, le comté de Hanau-Lichtenberg (83 communes au total) en 1540. D’autres comtes rejoignirent la Réforme après la signature de la Paix d’Augsbourg. Le mouvement atteignit son apothéose entre 1580 et 1620. Un tiers des communes alsaciennes devinrent protestantes. La moitié des paroisses dans le Bas-Rhin adoptèrent le Luthéranisme, surtout au nord d’une ligne Strasbourg-Saverne. Dans le Haut-Rhin, la “nouvelle foi” se limita aux villes de Colmar, avec les villages environnants, de Munster, de Sainte-Marie-aux-Mines et de Mulhouse. Les Réformés – en grande partie des réfugiés Huguenots – vivaient plutôt isolés dans certains villages du Nord de l’Alsace, ainsi qu’à Sainte-Marie-aux-Mines, à Bischwiller et dans le Comté de Nassau-Sarrewerden. Ces frontières confessionnelles furent pratiquement maintenues jusqu’au 20ème siècle.
Les caractéristiques suivantes se dessinèrent au sein du Protestantisme alsacien :
- La majorité est luthérienne (Eglise de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine, ECAAL) et une minorité réformée (Eglise Réformée d’Alsace et de Lorraine, ERAL). Le paysage protestant du reste de la France, où les Luthériens sont minoritaires par rapport aux Réformés, est donc juste à l’opposé de la situation en Alsace.
- Les deux Eglises protestantes sont « concordataires », c’est-à-dire liées à l’Etat par les Articles Organiques de 1802. Ce fait est une exception dans la république laïque, compte tenu de la séparation de l’Eglise et de l’Etat depuis 1905.
- Leur théologie est influencée par le Luthéranisme et, dans une moindre mesure, par le courant réformé de l’Allemagne du Sud.
- Le bilinguisme a longtemps prédominé.
2. Le piétisme en Alsace
Vers la fin du 16ème siècle, le Luthéranisme strict élimina de l’Eglise de Strasbourg l’influence médiatrice et unioniste de Martin Bucer. L’orthodoxie luthérienne orienta désormais la vie de l’Eglise et la faculté de théologie, ceci jusqu’à la fin du 18ème siècle. Le courant de pensée du Piétisme suscita pourtant un mouvement de réveil spirituel dans la 2nde moitié du 17è siècle. L’un de ses initiateurs fut Philippe-Jacques Spener, né à Ribeauvillé le 13 janvier 1635. Après ses études en histoire, en philosophie et en théologie, il revint à Strasbourg et devint pasteur auxiliaire à la cathédrale. Il préparait une carrière académique lorsqu’il fut appelé, en 1666, comme Senior (responsable des paroisses protestantes de la ville) à Francfort-sur-le-Main. Spener insistait sur le caractère pratique et vivant du Christianisme, des sujets en partie puisés chez ses maîtres théologiques Dannhauer et Schmidt. Mais, contrairement à l’ouverture rencontrée à Francfort, son idée des »collegia pietatis » (assemblées de piété) et ses « Pia desideria » (« Voeux de piété », manifeste publié en préface d’un livre de Jean Arndt) ne trouvèrent pas un accueil favorable dans sa patrie. Tout au contraire, on se méfiait de sa “position ecclésiale”.
Dès 1700, des mesures disciplinaires furent prises à Strasbourg à l’encontre des Piétistes. Sous l’influence du rationalisme caractérisant le Siècle des Lumières, la faculté et les autorités ecclésiastiques combattirent le Piétisme, le séparatisme, les réunions d’édification privées et le courant de pensée des Frères moraves. Mais le mouvement piétiste ne put être arrêté. Tout au contraire, la résistance rencontrée apporta la preuve que les idées piétistes avaient atteint une partie des pasteurs et du peuple. Les piétistes qui acceptèrent de se soumettre à l’autorité de l’Eglise étaient tolérés, les autres furent punis ou expulsés. A plusieurs endroits on put trouver des adeptes du Piétisme de la branche de Herrnhut (Frères moraves). Bouxwiller, dans le comté de Hanau-Lichtenberg, en fut l’un de ces centres. Environ trente pasteurs de la région sympathisèrent avec ce mouvement. Un important témoignage de cette époque fut la parution d’un recueil de cantiques « Girrendes Täublein in einem Gesangbuche alter und neuer Lieder » (« Roucoulante colombe dans un recueil de chants anciens et nouveaux »). Après sa conversion à Strasbourg, Sigismond-Frédéric Lorentz (1727-1783) soutint les requêtes piétistes. En tant que membre de la faculté et directeur du Wilhelmstift, il combattit l’orthodoxie luthérienne et le formalisme ecclésial. Le Piétisme alsacien fut donc confiné à l’intérieur de l’Eglise Protestante. Son expression fut sobre. Il put empêcher pendant un certain temps l’avancée du rationalisme. L’orthodoxie ecclésiale empêcha par contre le progrès du Piétisme vers une véritable assise dans le paysage protestant.
3. La fondation des communautés : 1820-1912
L’origine des communautés évangéliques d’Alsace et de Lorraine remonte au début du 19è siècle, c’est-à-dire avant même la fondation de la Pilgermission St. Chrischona (1840).
Trois hommes eurent une influence particulière sur le Piétisme en Alsace :
Ami Bost (1790-1874) était originaire d’une famille huguenote de Genève. Le jeune théologien fut touché par le réveil genevois. Après un premier voyage missionnaire en Alsace, il se fixa à Colmar de 1819 à 1822. Il prêcha l’Evangile depuis la plaine du Rhin jusque dans les Vosges avec un zèle brûlant. Trois jeunes gens se convertirent à Christ, dont l’un – Louis Bott – devint cofondateur de la communauté colmarienne. Les communautés de Mulhouse et de Munster furent également fondées en 1820. Les personnes touchées par le “réveil” se réunirent dans beaucoup de villages aux alentours. Ami Bost dû quitter le pays à cause de l’hostilité des autorités ecclésiastiques (1822 : “ordre d’expulsion du territoire français” !) . Trente ans plus tard, il eut pourtant la joie d’annoncer que la communauté de Colmar comptait une centaine de membres. Elle s’organisa en 1866 sous le nom de “Société Evangélique de Colmar” (Evangelische Gesellschaft von Colmar). Le frère Ühliger de St. Chrischona fut appelé comme prédicateur à la communauté de Mulhouse en 1876.
François Henri Haerter (1797-1874) fut pasteur luthérien au Temple Neuf à Strasbourg à partir de 1829. Il vécut une conversion à Christ en 1831, après une grande lutte intérieure, puis prêcha sans relâche durant quarante ans le repentir, la grâce, le salut et la sanctification. Son influence engendra dans la ville une ouverture pour le réveil. Plusieurs oeuvres de la Mission Intérieure virent le jour grâce à son zèle, entre autres l’Association strasbourgeoise pour le Soutien des Missions parmi les Païens (Strasburger Hilfsverein), une association de jeunes gens (Jünglingsverein), une maison de diaconesses et – ceci est d’un grand intérêt pour notre histoire – la Société Evangélique (Evangelische Gesellschaft) en 1834. Les deux branches de cette société, la Stadtmission (mission urbaine) à Strasbourg et la Landmission (mission rurale) dans le reste du Bas-Rhin, engagèrent régulièrement dans leur service des prédicateurs formés au Séminaire de St. Chrischona.
Le pasteur Théophile Schaeffer (1833-1900) fut un fils spirituel du pasteur Haerter. Il fut appelé en 1875 à Munster (Haut-Rhin) où il déploya une intense activité. Son zèle pour Dieu rencontra de l’opposition, mais un groupe de jeunes gens le sollicita pour un enseignement du “chemin qui mène au salut”. Il construisit peu à peu la vie communautaire dans cette vallée. Finalement, la communauté inaugura sa chapelle en 1898, construite grâce à la générosité d’une donatrice.
Entre temps, le secrétaire de la Christentumsgesellschaft Christian Frédéric Spittler (1782-1867) avait fondé, parmi la trentaine d’oeuvres qu’il initia, celle de la Pilgermission St. Chrischona (“Mission des Pèlerins St. Chrischona”), à Bettingen près de Bâle (Suisse). Il se souciait beaucoup de la déchristianisation des peuples européens et travailla à endiguer cette évolution. La Pilgermission était initialement un institut dispensant une formation théologique aux artisans, en vue d’un témoignage chrétien à leur lieu de travail. C’est ainsi que ces artisans non-sédentaires pourvoyaient eux-mêmes à leurs besoins et se rendaient dans les régions européennes les moins christianisées. Les modestes débuts dans les ruines de la chapelle du lieu-dit St. Chrischona et de nombreuses crises durant les décennies suivantes ne purent arrêter la construction de l’oeuvre jusqu’à nos jours. Au fil des années, la colline de St. Chrischona devint une institution regroupant diverses activités et ministères au service de l’oeuvre de Dieu.
La Pilgermission elle-même, tout comme les communautés du Haut-Rhin se fondait historiquement sur le Piétisme. Comme ce courant de pensée se définissait comme un mouvement de renouvellement spirituel à l’intérieur des Eglises protestantes, personne ne pensait à fonder une oeuvre indépendante de l’Eglise officielle, malgré les différences théologiques qui existaient. Les communautés en Alsace-Lorraine se développèrent également dans le contexte des Eglises protestantes concordataires, en apportant à l’aile piétiste des paroisses un enseignement biblique complémentaire, en parallèle avec les activités paroissiales habituelles. La communion fraternelle et l’évangélisation furent les buts principaux de ce mouvement. Le cheminement commun entre les églises et les communautés ne se passa pas sans tensions. Les opposants aux communautés piétistes mirent en question la légitimité de ces groupes, tant sur le plan théologique qu’ecclésiologique. A bien des endroits, le travail communautaire, autant dans son développement que dans ses limitations, dépendait fortement de l’Eglise protestante et de ses pasteurs.
(N.B. : Les fondations des communautés de Colmar, Mulhouse et Munster (1820) et de la Société Evangélique à Strasbourg (1834) sont antérieures à celle de la Pilgermission St. Chrischona elle-même).
4. Le rattachement à la Pilgermission St. Chrischona : 1913-1970
Jusque-là, la Pilgermission n’avait pas eu de propre champ de travail en Alsace-Lorraine. C’est au nom de la Mission Rurale que le prédicateur Messner de St. Chrischona exerçait son ministère dans le Bas-Rhin, à partir de 1889. Quelques années plus tard, cette branche de la Société Evangélique devint indépendante. Le prédicateur desservait tout le Bas-Rhin à partir de Brumath. Le champ de travail comportait à l’époque 23 à 25 groupes plus ou moins grands. Le pasteur Zäslin, directeur de la Mission Intérieure sollicita en 1913 l’aide de la Pilgermission. Les faibles moyens disponibles à l’époque ne pouvaient répondre aux grands besoins spirituels de la région. En réponse à cet appel, le comité de la Pilgermission envoya l’évangéliste Michel Wernher – un alsacien originaire de Hunspach – à Saverne. Il connaissait bien la situation ecclésiastique en Alsace. Son souhait était de travailler uniquement dans le cadre de la Pilgermission. C’est ainsi que la Mission Rurale fut, à partir de ce moment-là, rattachée à l’oeuvre de St. Chrischona. Le prédicateur Ulmer, de Brumath, vint collaborer avec l’évangéliste Wernher. Ce n’est donc qu’en 1913 que la Pilgermission obtint son premier champ d’action en Alsace-Lorraine.
Durant la Première Guerre Mondiale le travail se poursuivit dans des conditions très difficiles. Le prédicateur Wernher concentra son travail sur l’aide spirituelle aux soldats dans un foyer militaire à Saverne. C’est sur l’initiative du prédicateur Georges Siefer que fut également construit à Colmar, en 1914, un « Soldatenheim », qui devint la chapelle actuelle. Après guerre le nombre des communautés croissait régulièrement. Il y eut en peu de temps quatre champs d’action, avec six à huit annexes chacun : Saverne, depuis 1921 avec son propre lieu de réunion, Wissembourg, depuis 1920 et ses propres locaux en 1923, Brumath, depuis 1928 avec sa propre maison, Sarrebourg depuis 1923.
Jusqu’à ce jour (2005), aucune communauté n’a été fondée à Strasbourg par la Pilgermission. La raison en est le fait que, jusqu’à leur séparation, la Mission Urbaine et la Mission Rurale étaient des branches communes de la Société Evangélique. La Mission Urbaine avait engagé plusieurs prédicateurs venant du Séminaire Théologique de la Pilgermission St. Chrischona. Son directeur, Heinrich Rappard souhaita, par égard à ce travail accompli dans la ville de Strasbourg, ne pas y implanter de communauté.
Dans le Haut-Rhin, il y eut un premier rapprochement entre les communautés et la Pilgermission après la Première Guerre Mondiale. Le “Evangelisationsverein von Munster und Umgebung “(Société Evangélique de Munster et environs) sollicita l’aide de la Pilgermission. Celle-ci envoya, en 1896, l’évangéliste Heinrich Meister aux côtés du pasteur Schaeffer, déjà très affaibli dans sa santé. Il conduisit fidèlement le travail après le décès de ce dernier, jusqu’à ce qu’il fut mortellement blessé par un obus provenant de la zone de combats à Munster. La Société Evangélique de Munster se rattacha officiellement à la Pilgermission en 1919. Cette démarche fut suivie par les communautés de Colmar (avec Volgelsheim et Guebwiller) en 1922, et Mulhouse en 1923. En 1925 fut acquise à Beblenheim une propriété – le Petit Château – qui accueillait des personnes convalescentes et âgées. Cette maison servit de base à l’évangélisation dans le secteur du vignoble et en direction des Vosges.
En 1925, il existait ainsi huit communautés principales et 40 annexes de la Pilgermission en Alsace-Lorraine, desservies par neuf prédicateurs.
Les champs d’action des différentes communautés se développèrent au cours des années suivantes. Elles furent désormais regroupées sous le nom de “Mission d’Alsace et de Lorraine”.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le travail fut très ralenti par l’évacuation d’une partie de la population, la mobilisation des prédicateurs et les restrictions imposées par le régime sous l’occupation allemande. A partir de 1952, les différentes communautés s’organisèrent en associations locales et se réunirent sous la dénomination d’Union des Sociétés Evangéliques St. Chrischona (U.S.E.C.). Les années d’après-guerre furent très propices à l’évangélisation, sous l’impulsion des prédicateurs Georges Blaser (Mulhouse), Adrian Studer (Saverne) et Heinrich Kurz (Wissembourg). Beaucoup de personnes se tournèrent vers Christ et les communautés connurent une forte croissance dans beaucoup de villes et de villages. Dès 1950, des camps de jeunes très fréquentés furent organisés à Munster. Plusieurs jeunes gens suivirent un appel au ministère à plein-temps.
(N.B. : Le rattachement à la Pilgermission de la Mission Rurale dans le Bas-Rhin (1913), et des communautés de Munster (1919), de Colmar et de Mulhouse (1923) dans le Haut-Rhin eut lieu plusieurs décennies après la fondation de celle-ci (1840).
5. De la communauté piétiste à l’église évangélique : 1970-2005
Dans les années 1970, le travail communautaire traversa une crise profonde. Des divergences de vue théologiques avec les églises protestantes concordataires se faisaient ressentir de plus en plus. Certaines communautés avaient à lutter avec le poids de la tradition. La prédominance de la langue allemande empêchait un travail orienté vers l’avenir. Les membres des communautés passaient par une crise d’identité. En 1965 fut fondé un mouvement de jeunesse plus structuré, parallèle au travail classique, sous l’initiative de Nicolas Kessely. En 1968, un ancien hôtel fut acquis dans les Vosges et devint un instrument de travail parmi les jeunes, le “Centre Evangélique Chrischona”, au Hohrodberg (Vallée de Munster). Un groupe de jeunes prédicateurs souhaitait développer un travail d’église évangélique libre (non concordataire) et atteindre les régions d’outre-Vosges. La direction de la Pilgermission tardait à reconnaître la détresse du champ de mission en France et n’était pas disposée à modifier les structures du travail communautaire. Ceci conduisit, en 1978, à une rupture qui se solda par la démission de quatre prédicateurs de la Pilgermission, et à la fondation de l’oeuvre missionnaire de “France pour Christ”. Quelques membres des communautés de la Pilgermission suivirent ce mouvement.
L’oeuvre de la Pilgermission en Alsace-Lorraine était très affaiblie. Mais Dieu, dans sa grâce, accorda un renouveau. En 1980, les communautés dans leur ensemble décidèrent de devenir à leur tour des églises évangéliques libres. Certaines communautés du Haut-Rhin avaient déjà franchi ce pas plus tôt. Un nouveau nom fut choisi : « Union des Eglises Evangéliques Chrischona » (UEEC). Cette évolution structurelle dura environ vingt ans. Elle est aujourd’hui achevée. Les modifications suivantes eurent lieu :
- Le passage progressif de l’allemand au français.
- De nouveaux statuts, avec une structure d’église libre et une direction collégiale.
- Le doublement du nombre des églises, soit par l’autonomie des annexes(Bouxwiller, Volgelsheim, Woerth, Sélestat), soit par le rattachement d’églises autonomes à l’UEEC ( Sarrebourg, Reichshoffen, Bischwiller) ou par la fondation de nouvelles églises (Molsheim).
- De nouveaux accents théologiques dans l’ecclésiologie (églises locales autonomes, revalorisation du ministère des anciens) et dans la doctrine du baptême (baptême de professants).
- La remise en route d’un travail dynamique parmi les jeunes sur le plan local et régional dès 1983, aboutissant à la création de l’association de jeunesse “le Tremplin”, en 1989.
- L’évolution de l’identité de communauté piétiste à la conception de l’église évangélique libre, l’indépendance par rapport aux églises protestantes concordataires, une collaboration plus étroite avec les autres églises évangéliques.
- Le lancement d’un travail missionnaire hors Alsace-Moselle, la « Mission Evangélique du Jura », aujourd’hui « Vision France », avec trois implantations d’église (Lons-le-Saunier, Oyonnax et Besançon).
- Un nouveau nom pour cette union d’églises, en 1999 : “Union des Eglises Chrétiennes Evangéliques” (UECE).
- La transformation, la rénovation, l’extension, la construction ou l’achat de locaux pour la majorité des églises.
- De nouvelles structures et modes de fonctionnement en tant que branche française de la Fédération internationale de la Pilgermission Chrischona (renforcement de l’autonomie des églises locales, représentation dans les différentes instances ). Tout en étant largement autonome au plan décisionnel, il existe un lien spirituel, fraternel et historique étroit entre la branche française de l’UECE et l’oeuvre internationale.
- L’adhésion des églises et de l’UECE à la Fédération Evangélique de France (FEF) et au Conseil National des Evangéliques de France (CNEF). Pour des raisons contextuelles, l’UECE oriente actuellement son action plus vers les églises évangéliques francophones que vers la Pilgermission
6. Conclusion
L’UECE a vécu durant cette dernière période de 35 ans de profonds changements et un développement non négligeable. Elle compte aujourd’hui 14 églises majeures qui regroupent autour de 1100 personnes adultes (membres et amis) et 500 jeunes et enfants, 3 églises pionnières et 4 œuvres : une association de jeunesse « le Tremplin », une œuvre pionnière « Vision France », une maison de retraite « le Petit-Château” et un centre de vacances « le Centre Evangélique Hohrodberg ».
A partir de 2006, elle projette l’ouverture d’un nouveau champ d’action en Vendée, par l’envoi de 3 équipes pionnières pour l’évangélisation et l’implantation d’églises.
Bibliographie
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Grünberg, D. Paul. Die Reformation und das Elsass. Festschrift zur 400 jährigen Jubelfeier der Reformation. Strassburg : Verlag von Karl J. Trübner, 1917.
Hauswald Roland et J. G. Gantenbein. Notre Union d’Eglises entre hier et demain. Conférence tenue à Saverne le 26 octobre 1998.
Hauswald, Roland. L’amour de Dieu en action. Une oeuvre en construction : L’Union des Eglises Evangéliques Chrischona se présente, Colmar, 1992.
Herrmann, Jacques. Überblick über die Entstehung der Inneren Mission und der Chrischonagemeinschaften in Elsass-Lothringen. Colmar, Selbstverlag, 1980.
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Vogler, Bernhard. “Elsass.” TRE, Studienausgabe 1993, Bd. 9.
Wenn Gottes Liebe Kreise zieht: 150 Jahre Pilgermission St. Chrischona. Giessen, Basel: Brunnen, 1990.